Clarifier les responsabilités pour réussir la transformation systémique

Pour une transformation systémique, qui touche à la fois l’organisation interne des établissements et leur place dans l’offre de soins, la responsabilité ne peut incomber au seul directeur et à ses équipes médico-soignantes.
Chaque acteur – élus, conseils de surveillance, tutelles, autorités centrales, instances représentatives – doit assumer sa part et contribuer à la construction d’une stratégie partagée. Faute de quoi, les projets de transformation s’épuisent dans les postures, les blocages ou les injonctions contradictoires.

Les élus du territoire : entre symboles et arbitrages

Enjeux

Protéger l’offre de soins et d’accompagnement de proximité, défendre l’emploi local, répondre aux besoins des citoyens.

Risque de posture

S’opposer par principe à toute réorganisation (fermeture de lits, regroupement de services), même lorsque celle-ci renforce la qualité et la soutenabilité.

Rôle idéal

• Être le relais d’une vision territoriale fondée sur les besoins réels.
• Mesurer les risques du statu quo, dans une perspective temporelle allant au-delà du mandat électoral
• Porter cette ambition dans les conseils de surveillance, afin que l’avenir ne soit pas dicté par les seules contraintes budgétaires.

Conseils d’administration ou de surveillance : garantir un vrai débat stratégique

Enjeux

Assurer la légitimité démocratique ou associative des orientations.

Risque de posture

Se contenter de valider formellement les décisions déjà prises par la direction, transformant l’instance en chambre d’enregistrement.

Rôle idéal

• Définir le mandat de l’instance et la vision.
• Assurer et assumer les décisions à la lumière des données d’activité, de qualité et de finances.
• Veiller à la mesure de l’impact à long terme, questionner et ajuster la stratégie.

Directions générales : articuler gestion et vision

Enjeux

Assurer l’équilibre budgétaire, piloter l’organisation, gérer les tensions sociales.

Risque de posture
Gérer uniquement dans l’urgence, sans préparer les évolutions structurelles, ou repousser des décisions impopulaires.

Rôle idéal

• Porter un projet d’établissement clair, articulé avec le plan de retour à l’équilibre.
• Donner aux équipes le temps matériel de participer à la mise en œuvre des projets.
• Valoriser les étapes franchies.
• Faire vivre les instances (CS, CME, CSE) comme de véritables espaces de co-pilotage.

Corps médical et soignant : la pertinence comme levier

Enjeux

Garantir la qualité et la sécurité, préserver la reconnaissance professionnelle, assurer la continuité des soins.

Risque de posture

Refuser toute réorganisation par crainte d’une dégradation de la qualité, ou se retrancher derrière la mission de soin pour éviter les enjeux de pilotage.

Rôle idéal

• Être proactif dans l’évolution des pratiques permettant les parcours.
• Identifier et mettre en œuvre les modalités pratiques de participation aux projets de service et institutionnels.
• Être force de proposition au sein de la CME, en intégrant la pertinence clinique dans les décisions stratégiques (durée de séjour, filières, organisation des services).

Tutelles régionales (ARS, Conseils départementaux) : du contrôle à l’accompagnement

Enjeux

Réguler l’offre sur le territoire, allouer les crédits, atteindre les objectifs nationaux.

Risque de posture

Multiplier les injonctions ou fixer des objectifs irréalistes sans donner les moyens ou délais adaptés.

Rôle idéal

• Faire des CPOM et des dialogues de gestion des outils de co-construction de trajectoires pluriannuelles lisibles, plutôt que des exercices purement administratifs.
• Assurer un dialogue de gestion objectivé dans un cadre défini et respecté
• Prendre les mesures correctives qui s’imposent

Autorités centrales : stabiliser les règles du jeu

Enjeux

Assurer la soutenabilité nationale et l’équité des financements.

Risque de posture

Lancer des réformes ambitieuses sans accompagnement ni moyens pérennes, ou ignorer les spécificités locales.

Rôle idéal

• Définir des objectifs : définir et partager les objectifs de performance et les moyens associés
• Piloter par l’évaluation : mesurer l’impact réel de ces politiques publiques et ajuster rapidement. 
• Donner aux établissements un cadre stable sur plusieurs années.

Instances : des lieux où l’avenir se prépare

Les conseils de surveillance, les CA, les CME et les CSE ne doivent plus être des chambres d’enregistrement ou des lieux d’affrontement des postures de chacun. Pour en faire des lieux où la stratégie vit, où la confrontation des points de vue permet d’anticiper les évolutions et de préparer l’avenir collectivement, l’implication des instances autour d’une vision commune et d’une feuille de route claire est primordiale. Ces piliers constituent une base de discussion solide qui permet d’inscrire l’ensemble des parties prenantes dans une mise en mouvement concertée et pragmatique, et de suivre les résultats dans un cadre formel structurant.

En résumé

La performance du système de santé et du médico-social ne se réduit pas à l’action d’une direction ou d’une tutelle : elle repose sur la capacité de chaque acteur à prendre sa part de responsabilité. Clarifier ces rôles, animer réellement les instances et articuler projet d’établissement et PRE sont les conditions pour passer des postures défensives à une gouvernance vivante et transformatrice.

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