Lutte contre les déserts médicaux : pourquoi et comment proposer une offre diversifiée de modes d’exercice ?

20 juin 2024 · 2 minutes de lecture

Moments de vie et moments d’envie des professionnels de santé

L’attractivité de l’exercice médical en zone sous-dense (zones d’intervention prioritaire et zones d’action complémentaire) est une problématique multifactorielle. Elle emporte des questions liées à la fois à l’aménagement du territoire et au mode d’exercice. Celles-ci répondent à la nécessaire prise en compte des motivations individuelles tant professionnelles que personnelles, avec des générations aux visions très variées. Cette question de l’attractivité concerne désormais des professionnels dont les modes de vie sont plus que jamais discontinus. Ceci nous invite donc à questionner « l’offre d’exercice » dont le territoire doit se doter pour être plus attractif.

Pourquoi et comment proposer une offre d’exercice adaptée aux différents « moments de vie » et « moments d’envie » de nos professionnels de santé ?

Le choix d’un lieu et d’une modalité d’exercice touche au rapport du professionnel de santé à sa patientèle, à son territoire et à ses partenaires

Au-delà de l’envie de mieux conjuguer vie personnelle et vie professionnelle, le professionnel qui s’installe s’interroge sur sa patientèle, ses partenaires et le territoire de vie et de santé :

  • Médecin et patients : quel profil de patients serais je amené à soigner (âge, pathologies…) ? A quel volume de patients aurais je à faire ? Quelle serait alors ma capacité à répondre de manière qualitative à leurs besoins, sans risque pour leur santé et pour la mienne ?
  • Médecin et partenariats : quelles possibilités d’adressage et de recours aurais-je à leur proposer ? Quels seraient les spécialistes disponibles et avec quelle facilité d’accès ? Quels seraient les dispositifs de coordination des soins favorisant mon exercice ? Qu’en est-il de la permanence des soins ?
  • Médecin et territoire : quel est le cadre de vie que m’offre le territoire ? Quelles sont les facilités d’installation pour ma famille et d’emploi pour mon conjoint ? Le territoire est-il facile d’accès, les transports y sont-ils aisés, que ce soit pour mon confort personnel ou pour mon exercice professionnel ?

Les leviers de motivation à l’installation ne pèsent pas tous le même poids, ils varient également selon les personnalités mais aussi selon les périodes de vie

 Les facteurs prépondérants sont bien connus :

  • La qualité et le cadre de vie offerts sur le territoire (proximité de la mer ou de la nature, climat agréable, agglomération de taille moyenne, faible durée des trajets domicile – travail) ;
  • L’existence et la qualité d’un projet de santé, porté avec des confrères (exercice regroupé, exercice coordonné) ;
  • Les possibilités d’emploi du conjoint proposées sur le territoire.

Au côté de ces facteurs prépondérants, des facteurs déterminants se distinguent également :

  • L’accompagnement dans les démarches d’installation (au-delà des aides financières mais également sur le plan administratif), la présence de confrères et de personnels paramédicaux ;
  • La proximité d’équipements, de services médicaux (radiologie, laboratoire…) et d’un service d’urgences ;
  • L’existence de services à la population, d’équipements et d’infrastructures (écoles, garde d’enfants, commerces…).

Enfin, d’autres leviers d’action ont leur importance pour inciter à l’installation :

  • Des possibilités d’exercice temporaire pour faire découvrir le territoire (par exemple en aidant les médecins généralistes à devenir maîtres de stages pour des étudiants) ;
  • De nouveaux cadres d’exercice : regroupements, exercice salarié, possibilité d’exercer en libéral sans s’installer définitivement en cabinet, aides pour décharger les médecins des tâches extra-médicales…
  • Enfin, sans méconnaître leur intérêt mais en relativisant leur poids dans la prise de décision, les incitations financières.

Finalement, la question des choix d’installation touche intimement aux attentes et aux besoins des professionnels. Or, plus que jamais, ces attentes sont changeantes et peu nombreuses sont désormais ceux qui souhaitent graver leur chemin de vie dans le marbre dès le début. Cette récente évolution sociologique n’est pas encore prise en compte par les statuts et les conditions d’exercice. Pourtant, les jeunes médecins font de plus en plus valoir leur attente de flexibilité et les plus âgés leurs capacités à poursuivre leur activité à un rythme adapté. En effet, selon les périodes de vie où l’on se trouve, l’envie d’une mobilité pour découvrir des modalités de travail ou des territoires suscitera un intérêt pour le format du remplacement. Le besoin d’une forme de sécurité pour des raisons familiales ou de santé justifiera un poste salarié. Enfin, une plus grande disponibilité pour faire face à sa propre patientèle et une capacité à absorber la charge administrative orienteront vers l’exercice libéral.

Des modes d’exercice voués à devenir plus volatiles

De plus, les hasards de la vie, positifs comme négatifs sont incontournables quant à leur survenue mais incertains quant au moment de leur occurrence. Ils occasionnent de plus en plus souvent des changements d’état d’esprit, comme l’illustre le schéma ci-dessous :

Une multitude de modes d’exercices

La bonne nouvelle, c’est qu’à ce jour, la variété des modes d’exercice possibles est quasiment infinie tant les options se superposent et se multiplient :

  • Sur le plan de l’exercice libéral, il peut se réaliser dans le cadre d’une collaboration, d’un remplacement ou d’une installation individuelle. Ces différents modes d’exercice libéral peuvent se faire dans un cadre regroupé ou non, et enfin avec une prise en charge coordonnée formalisée, ou non ;
  • Lorsqu’il prend la forme du salariat, l’exercice est réalisé en ambulatoire, par exemple en centre de santé, en milieu hospitalier ou encore auprès d’autres institutions (publiques, médico-sociales, etc) ;
  • Enfin, un mode hybride dit exercice mixte permet de réaliser une activité salariée et une activité libérale, généralement en milieu hospitalier. Ce mode d’exercice s’il reste minoritaire, connait ces dernières années la croissance la plus soutenue.

Les constats des dernières années, rendus possibles par les analyses et publications statistiques de la DREES notamment, font état d’une augmentation de la pratique mixte d’une part, et des faveurs de l’exercice regroupé d’autre part.

Alors que la France comptait 111 000 médecins libéraux sur les 216 000 généralistes en 2012, elle n’en compte plus que 100 000 pour 230 000 médecins généralistes au total en 2023 (-10%). A l’inverse, le nombre de salariés est passé de 61 000 à 73 000 (+20%) sur la même période, alors que les professionnels exerçant en mode mixte sont quant à eux passés de 17 500 à 27 500 (+58%). Au final, alors qu’ils représentaient 51% des effectifs en 2021, les médecins généralistes exerçant en libéral ne représentent plus que 44% du total des médecins généralistes.

Ainsi, l’exercice libéral regroupé assoit toujours ses lettres de noblesse, notamment auprès des plus jeunes professionnels (moins de 50 ans) et des femmes. Début 2022, 69 % des médecins généralistes libéraux ayant au moins quatre ans d’ancienneté déclaraient exercer en groupe au titre de leur activité principale contre 54% en 20210. La DREES note par ailleurs que parmi les groupes, les pluriprofessionnels sont plus souvent implantés dans des territoires défavorisés sur les plans médical et social. Les motivations à cet exercice regroupé sont désormais bien connues. La présence d’un collectif contribue à améliorer les conditions de travail. Elle offre une plus grande flexibilité dans l’organisation de la pratique médicale. Enfin, elle favorise le partage de vision pluridisciplinaire sur les cas complexes, ainsi qu’une meilleure répartition de la charge de travail et de celle de la permanence des soins.

En réponse aux attentes croissante d’offre de salariat et d’exercice regroupé, les centres de santé sont évidemment une option à considérer.

Proposer une offre diversifiée de mode d’exercice sur le territoire

Depuis près de 10 ans, les pouvoirs publics et les collectivités multiplient les initiatives pour attirer les professionnels de santé sur les territoires sous-denses. Les plus connus sont les soutiens à la création de Maisons de santé pluri-disciplinaires (MSP), par l’Etat, l’Assurance maladie et les collectivités, avec un nombre croissant de territoires éligibles.

Les modes d’installation bénéficient de soutiens à l’installation souvent proches dans leur conception : aides à l’installation, financement de la coordination, des actions favorisant l’accès aux soins et la qualité dans des MSP ou dans des centres de santé (CDS), soutien à la création de CDS par certaines collectivités. Il peut s’agir d’initiatives unilatérales de communes ou de démarches partenariales telles que celles des Régions qui ont créé des GIP (Groupements d’intérêt public). A noter que l’approche partenariale permet de répartir la charge significative que peut représenter la gestion d’un centre de santé.

Ce phénomène témoigne d’une prise de conscience des acteurs institutionnels qu’il faut proposer une offre diversifiée aux professionnels en quête de changement. Il ne s’agit pas en effet de prendre parti pour le soutien à l’offre de santé et au mode d’exercice salariés ou libéraux, mais bien de proposer aux professionnels différentes options afin qu’ils puissent, quel que soit leur moment de vie, trouver une modalité d’exercice qui leur convienne.

Enfin, pour définir les modalités d’offre restant à développer, une réflexion transversale entre acteurs est nécessaire. La concertation des professionnels de santé ambulatoires du territoire, ARS, CPAM et collectivités locales, représentants des professionnels et des facultés de médecine, est garante d’une démarche pertinente et d’une optimisation des moyens alloués.

Pour ce faire, nous identifions les clés de réussite suivantes :

  • Une connaissance de tous les acteurs impliqués et volontaires, en s’appuyant sur les instances et outils existants telles que les communautés professionnelles territoriales de santé et à une échelle plus large, les conseils territoriaux de santé ;
  • Une concertation territoriale qui place les patients et les professionnels au centre la réflexion : quels besoins et attentes actuels ? Quelles évolutions prévisibles ? Quels risques à ne pas agir ?
  • Une analyse systémique de l’offre de santé ambulatoire et de son évolution : quels freins et leviers, quelles perspectives utiles ? Comment les mesurer ?
  • Un plan d’action territorial qui s’incarne et rend possible un pilotage partenarial de l’offre de santé, autrement dit qui permette aux leaders porteurs d’une véritable vision territoriale de l’offre d’aligner leurs visions et leurs projets sur un terrain d’échange structuré.

Chez ADJ Partenaire , nous accompagnons les décideurs et les acteurs des territoires pour cibler et déployer les projets qui améliorent les parcours des patients avec une vision d’ensemble.

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